L’escroquerie au jugement est une infraction consistant à obtenir une décision judiciaire par des moyens frauduleux. Elle est sanctionnée par l’article 313-1 du Code pénal, qui encadre plus largement l’escroquerie, mais également par la jurisprudence, qui en précise les contours dans un cadre judiciaire.
L’objectif de cette infraction est clair : protéger l’intégrité de la justice contre ceux qui cherchent à détourner la vérité procédurale pour obtenir un jugement biaisé.
Il ne s’agit pas d’un simple mensonge : l’escroquerie au jugement implique une volonté délibérée de tromper un magistrat à travers des actes matériels (documents, témoignages, faux faits).
Distinction avec fraude procédurale ou fausse déclaration
Il faut distinguer l’escroquerie au jugement :
- De la fraude procédurale, qui peut être une faute civile sans intention pénale (ex : vice dans la procédure)
- De la fausse déclaration, qui peut être mensongère mais sans conséquence directe sur le jugement
- De la dissimulation légitime (ex : défense stratégique), qui reste dans le cadre du contradictoire
L’escroquerie au jugement suppose une manœuvre suffisamment grave pour altérer la décision du juge.
Les éléments constitutifs de l’escroquerie au jugement
Actes frauduleux visant à tromper un juge
Pour que l’on puisse parler d’escroquerie au jugement, la justice doit démontrer l’existence de manœuvres frauduleuses ayant pour but de tromper l’autorité judiciaire. Ces manœuvres peuvent prendre diverses formes :
- Présentation de faux documents (fausse facture, attestation falsifiée)
- Usage de faux témoignages, obtenus sous influence ou mensonge
- Dissimulation volontaire d’une information essentielle dans un dossier civil, fiscal ou pénal
- Fausse qualité ou fausse identité dans une procédure
Ce n’est pas l’erreur qui est punie, mais la manipulation volontaire du système judiciaire à des fins personnelles.
Intentionnalité et obtention d’une décision judiciaire injuste
L’élément clé repose sur l’intention frauduleuse :
- Il faut prouver que l’auteur avait conscience de tromper le juge
- Et qu’il a obtenu une décision (ou tenté de l’obtenir) sur la base de ces manœuvres
La Cour de cassation précise que l’escroquerie au jugement est constituée même si :
- La décision obtenue est partiellement fondée sur d’autres éléments
- La victime est un adversaire procédural, non le juge directement
L’objectif n’est pas seulement de protéger la victime, mais aussi l’autorité de la justice elle-même.
Sanctions prévues par la loi
Peines d’emprisonnement, amende, interdictions professionnelles
L’escroquerie au jugement, comme toute escroquerie, est punie selon l’article 313-1 du Code pénal de :
- 5 ans d’emprisonnement
- et 375 000 € d’amende
Mais la jurisprudence considère souvent l’escroquerie au jugement comme particulièrement grave, en raison de l’atteinte portée à la justice. Cela peut entraîner :
- Une inscription au casier judiciaire, même pour des faits anciens
- Des interdictions d’exercer des fonctions juridiques, administratives ou commerciales
- Des dommages-intérêts à verser à la partie lésée ou à l’État
Ces peines peuvent être alourdies si l’auteur est un professionnel du droit, un officier public, ou si la manœuvre a eu un impact majeur sur la décision rendue.
Jurisprudence et cas récents
Des décisions de justice marquantes illustrent cette sévérité :
- Cour d’appel de Paris, 2020 : condamnation à 18 mois ferme pour un prévenu ayant produit de fausses attestations dans une affaire de garde d’enfant.
- Tribunal correctionnel de Lyon, 2022 : 2 ans de prison dont 1 an avec sursis pour un justiciable ayant présenté une fausse décision étrangère dans une affaire de succession.
- Affaires fiscales : présentation de fausses pièces comptables pour obtenir des annulations de redressement – peines mixtes (emprisonnement + interdiction de gérer)
Exemples concrets d’escroquerie au jugement
Faux documents, faux témoignages, dissimulation volontaire
L’escroquerie au jugement peut se manifester dans des contextes variés : affaires familiales, fiscales, commerciales ou pénales. Voici quelques cas types :
- Affaire de divorce ou de garde d’enfants : présentation de fausses attestations de moralité, certificats médicaux falsifiés ou faux emplois pour influencer le juge aux affaires familiales.
- Procédure civile ou commerciale : usage de fausses factures, contrats ou e-mails inventés pour obtenir un gain injustifié (ex : remboursement, exécution forcée…).
- Procès pénal : production d’un faux alibi ou obtention d’un témoignage mensonger pour éviter une condamnation.
Même une omission volontaire peut constituer une escroquerie si elle était déterminante dans la décision rendue.
Détournement de procédures civiles ou pénales
Parfois, l’escroquerie au jugement vise à instrumentaliser une procédure :
- Obtenir un jugement par défaut en dissimulant volontairement l’adresse de la partie adverse
- Déposer une fausse plainte ou une procédure abusive uniquement pour faire pression (chantage au jugement)
- Multiplier les procédures avec de fausses pièces pour obtenir une validation administrative (titre de séjour, divorce frauduleux…)
Ces stratégies sont souvent repérées tardivement, parfois après l’exécution d’un jugement devenu définitif.
Se défendre face à une accusation d’escroquerie au jugement
Droits de la défense et stratégie de contestation
Être accusé d’escroquerie au jugement ne signifie pas automatiquement que l’intention frauduleuse est établie. Plusieurs axes de défense sont possibles :
- Contester l’intention frauduleuse : démontrer que l’erreur était involontaire ou due à un malentendu procédural
- Prouver la bonne foi : production de documents de manière transparente, coopération avec le tribunal, absence de bénéfice réel
- Révéler une manipulation extérieure : tiers ayant transmis de faux documents, ou influence subie dans la manœuvre
Le juge exige des preuves concrètes de tromperie délibérée. Le doute sur l’intention peut suffire à écarter l’infraction.
Éviter la requalification ou les aggravations
Un avocat expérimenté peut aussi :
- Demander la requalification en simple incident procédural ou en usage de faux (moins sévère)
- Limiter l’impact médiatique ou professionnel (demande d’anonymat, exclusion du casier B2)
- Négocier une alternative aux poursuites (CRPC, médiation, indemnisation de la partie lésée)
Conclusion
L’escroquerie au jugement est une infraction grave qui vise à protéger la crédibilité et l’intégrité du système judiciaire. Elle sanctionne tout comportement délibérément trompeur destiné à obtenir une décision judiciaire injuste. Mais entre erreur de procédure, stratégie de défense légitime et vraie tromperie, la frontière est parfois mince.
Chez Teboul Avocats, nous accompagnons nos clients avec précision et engagement, que vous soyez accusé d’escroquerie au jugement ou victime d’une manœuvre procédurale. Notre objectif : protéger vos droits, garantir l’équité du procès et vous défendre avec force, rigueur et humanité.