Fraude fiscale en entreprise : ce que vous devez savoir

Une perquisition soudaine, un redressement inattendu, ou pire : une convocation judiciaire. Pour une entreprise, être accusée de fraude fiscale représente une crise majeure pouvant engager la responsabilité de ses dirigeants et menacer sa survie financière.

Dans cet article, nous vous expliquons clairement ce qu’est la fraude fiscale en entreprise, quelles sont les sanctions encourues, les cas les plus fréquents, les mécanismes d’enquête, ainsi que les mesures concrètes à mettre en place pour se protéger — ou régulariser sa situation.

Qu’est-ce que la fraude fiscale en entreprise ?

La fraude fiscale en entreprise consiste à utiliser des procédés illégaux pour réduire artificiellement l’impôt dû. Elle se distingue d’une simple erreur ou d’une optimisation fiscale, par l’intention manifeste de dissimulation.

Principaux modes opératoires

Les schémas de fraude peuvent varier selon la taille, l’activité et l’organisation de l’entreprise :

  • Émission ou réception de fausses factures

  • Omission volontaire de déclarer une partie du chiffre d’affaires

  • Majorations fictives de charges déductibles

  • Création de sociétés écrans ou offshore

  • Récupération indue de TVA ou fraude au carrousel

Exemple : une entreprise de transport déclarant une partie seulement de ses prestations tout en récupérant la TVA sur l’ensemble commet une fraude manifeste.

Distinction avec l’évasion fiscale

L’évasion fiscale repose sur l’exploitation de failles légales, souvent à la frontière de la légalité.
La fraude, elle, suppose une violation volontaire des règles fiscales et peut engager la responsabilité pénale des dirigeants.

Sanctions fiscales et pénales pour les entreprises

Une entreprise reconnue coupable de fraude fiscale s’expose à une double sanction : administrative (fiscale) et pénale. La sévérité dépend de la nature de l’infraction, du montant éludé et de l’intentionnalité démontrée.

Sanctions fiscales classiques

L’administration peut appliquer des pénalités importantes :

  • Majoration de 40 % pour manquement délibéré

  • Majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses

  • Intérêts de retard : 0,20 % par mois, cumulables

L’entreprise peut aussi perdre certains avantages fiscaux (exonérations, crédits d’impôts…) et voir ses biens ou comptes bancaires saisis en cas de refus de régularisation.

Un redressement de 200 000 € assorti d’une majoration de 80 % portera l’amende à 360 000 €, sans compter les intérêts.

Sanctions pénales pour les dirigeants

Les peines encourues par les représentants légaux (gérant, président, DAF…) incluent :

  • Jusqu’à 5 ans de prison (7 en cas de circonstances aggravantes)

  • 500 000 € d’amende, portée à 3 000 000 € en bande organisée

  • Interdiction d’exercer, privation de droits civiques, confiscation de biens

Une décision de CJIP (convention judiciaire d’intérêt public) peut parfois permettre de solder le dossier sans procès, sous conditions strictes.

Cas particuliers : TVA, droits d’enregistrement, fraude Cum-Cum

Certaines formes de fraude fiscale touchent des dispositifs spécifiques, souvent plus techniques, mais tout aussi sévèrement réprimés. Ces fraudes concernent notamment la TVA, les droits d’enregistrement et les pratiques financières complexes comme le Cum-Cum.

Fraude à la TVA : un terrain sensible

La TVA représente l’une des principales sources de recettes pour l’État… et aussi l’un des axes majeurs de fraude :

  • Carrousel de TVA : sociétés fictives en chaîne pour récupérer indûment la TVA

  • Déduction de TVA sans livraison effective de biens ou services

  • Fausse domiciliation pour contourner la territorialité

Le contentieux lié à la TVA peut générer des redressements de plusieurs millions d’euros pour de grandes structures.

Infractions sur les droits d’enregistrement

Lors de cessions d’entreprises ou de biens immobiliers, des entreprises cherchent à :

  • Sous-évaluer les actifs transmis

  • Passer par des montages à l’étranger pour éviter l’imposition en France

Cela peut conduire à des requalifications fiscales accompagnées de pénalités très lourdes.

Le cas de la fraude Cum-Cum

Le mécanisme « Cum-Cum » permet à certains investisseurs étrangers, via des banques ou montages complexes, d’éviter la retenue à la source sur les dividendes versés par des entreprises françaises.

Cette pratique, bien que financièrement sophistiquée, a été dénoncée comme abusive et certains montages sont aujourd’hui qualifiés de fraude fiscale grave.

Illustrations concrètes : Google, société de transport, et autres

Google et la CJIP de 2019

En 2019, Google France a conclu une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour mettre fin à des poursuites pour fraude fiscale. Montant total :

  • 500 millions d'euros d’amende

  • 465 millions d’euros de redressement fiscal

Il s’agit de l’un des accords les plus marquants entre une multinationale et l’État français, illustrant la montée en puissance de la justice négociée.

Une société de transport familiale condamnée en 2025

En juillet 2025, une entreprise familiale dans le secteur du transport a été condamnée pour avoir dissimulé près de 500 000 € de chiffre d’affaires :

  • Peines de 8 à 12 mois de prison avec sursis pour les membres de la famille

  • Interdictions de gestion

  • Obligation de remboursement intégral des sommes dues

L’affaire montre que même une structure de taille modeste peut faire l’objet de lourdes sanctions pénales.

D’autres cas notables

  • Entreprises de BTP accusées d’émissions de fausses factures pour dissimuler du travail dissimulé

  • Profession libérale ayant sous-évalué ses revenus via des rétrocessions fictives à des sociétés étrangères

Quel que soit le secteur, la vigilance fiscale est désormais une obligation stratégique.

Procédure et acteurs de l’enquête

Être visé pour fraude fiscale en entreprise, ce n’est pas seulement recevoir un courrier du fisc : cela peut impliquer une véritable procédure judiciaire, avec des enquêtes lourdes menées par des services spécialisés.

Phase administrative : contrôle fiscal

Tout commence souvent par un contrôle fiscal, sur pièces ou sur place, déclenché par :

  • Des incohérences dans les déclarations

  • Des signalements (TRACFIN, lanceurs d’alerte, algorithmes fiscaux)

  • Un secteur réputé à risque

Lors du contrôle, l’administration collecte les preuves d’omissions volontaires ou de manœuvres frauduleuses.

Phase judiciaire : enquête pénale

Si l’intention frauduleuse est caractérisée, le dossier peut basculer au pénal. Les acteurs :

  • OCLCIFF : Office central de lutte contre la corruption et les infractions fiscales

  • BNRDF : Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale

  • SEJF : Service d’enquêtes judiciaires des finances

  • Parquet national financier en cas d’affaire complexe

Le verrou de Bercy et les poursuites

Jusqu’à récemment, seule l’administration fiscale pouvait autoriser une poursuite pénale (verrou de Bercy). Depuis 2018, ce verrou est partiellement levé, notamment en cas de récidive ou de fraude aggravée.

Une entreprise peut donc être poursuivie pénalement, même sans accord préalable du fisc, dans les cas les plus graves.

Prévention et régularisation : se protéger intelligemment

Pour éviter les conséquences dramatiques d’une fraude fiscale en entreprise, mieux vaut adopter une approche préventive, structurée et documentée. Dans certains cas, une régularisation volontaire peut même éviter toute sanction pénale.

Mettre en place des contrôles internes

Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit disposer de procédures robustes :

  • Audit régulier des comptes et des flux financiers

  • Suivi rigoureux de la TVA et des déclarations fiscales

  • Contrôle des justificatifs comptables et factures fournisseurs

  • Séparation des pouvoirs entre les services opérationnels et comptables

Un contrôle interne solide est souvent la meilleure défense en cas de vérification.

Se former et sensibiliser les équipes

La prévention passe aussi par la formation des collaborateurs exposés aux risques, en particulier :

  • Responsables financiers

  • Gérants de filiales

  • Départements achat et comptabilité

Un salarié bien informé est moins susceptible de commettre une faute susceptible d’engager la responsabilité pénale du dirigeant.

Régulariser avant qu’il ne soit trop tard

Lorsqu’une irrégularité est détectée :

  • Agir rapidement pour éviter l’aggravation du dossier

  • Consulter un avocat fiscaliste ou pénaliste

  • Envisager un dépôt spontané de déclaration rectificative

  • Préparer une documentation prouvant la bonne foi de l’entreprise

Une régularisation proactive est un facteur très favorable aux yeux du juge et de l’administration.

Conclusion

La fraude fiscale en entreprise n’est pas un simple litige administratif. C’est un risque juridique, financier et réputationnel majeur, susceptible d’entraîner des peines de prison pour les dirigeants, des redressements lourds, et une perte de confiance durable de vos partenaires.

Chez Teboul Avocats, nous accompagnons les entreprises confrontées à ce type de crise avec une stratégie claire, confidentielle et réactive. De l’audit à la défense pénale, chaque dossier est traité avec rigueur pour protéger vos intérêts.

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